Les conditions générales d'achats
Fabienne HAVET
Avocate
Tout acheteur qui met en avant ses propres Conditions Générales d’Achat (CGA), se voit systématiquement opposer les Conditions Générales de Vente (CGV) de son fournisseur. Essayons d’y voir clair dans ce combat de David contre Goliath
1. Les conditions générales d'achats : de quoi s'agit-il ?
C’est un document écrit qui permet de sécuriser l’activité de l’entreprise acheteuse. Pour cela l’acheteur y précise tous les éléments qui lui sont essentiels pour son bon fonctionnement..
Les clauses usuellement développées sont les suivantes :
- Objet, relation éventuelle avec les conditions de vente,
- Modalités financières, modalités de paiement, conditions de paiement et factures,
- Délais et pénalités en cas de dépassement,
- Conditions d’annulation de commande
- Livraison et réception, logistique : certificats de conformité, bordereau d’expédition, transport, emballage...
- Contrôle qualité,
- Transfert de propriété,
- Garanties et risques,
- Confidentialité et secret professionnel,
- Droit de propriété industrielle et intellectuelle,
- Dommages et assurances,
- Litiges et juridiction compétente
Avant de rédiger les conditions générales d'achats, il faut avoir pris en considération chacune des étapes de l'activité de l'entreprise, ainsi que leurs enjeux et leurs risques.
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Toutes les entreprises devraient être munies de CGA mais ce n’est pas encore le cas.
On en trouve majoritairement dans les sociétés pour lesquelles les achats sont stratégiques ou quand les achats sont un point sensible de l’activité de l’entreprise (achats récurrents auprès des mêmes fournisseurs, grande distribution, achats de matières premières et de produits agricoles, activités incluant de l’achat d’art) ou encore lorsque des investissements importants sont en jeu comme en matière immobilière, pour des achats d’équipements industriels ou en cas de produit ou service spécifique de commande.
Elles sont moins fréquentes dans l'achat d'une prestation intellectuelle, où une phase de négociation est souvent nécessaire pour la définition des besoins spécifiques à chaque client.
Elles côtoient les propres conditions générales de vente – CGV – de l’acheteur, et les conditions générales d’utilisation – CGU - de ses outils de communication (les ventes de ses produits ou services via un site internet sont soumises à des CGV spécifiques).
2. Les CGA, est-ce obligatoire ?
Les Conditions Générales de Ventes (CGV) sont "le socle unique de la négociation commerciale", selon l'article L441-6 du Code de commerce, modifié par la loi Hamon de 2014. Extrait de loi ici
Les CGV du vendeur, et non les CGA de l’acheteur, doivent bien être la base de la négociation commerciale.
Les CGV comprennent : les conditions de vente, les conditions de livraison, de délai, le barème des prix unitaires, les réductions de prix, les conditions de règlement applicables aux acheteurs en fonction de leur catégorie.
Elles sont obligatoires, doivent être communiquées à tous sur simple demande, et permettent notamment à tout acheteur de vérifier qu'il ne fait pas l'objet d'un traitement discriminatoire.
Mais la loi ne leur confère aucune supériorité sur les CGA.
Les acheteurs peuvent prévoir au travers de leurs CGA, des normes pour uniformiser et clarifier leurs relations avec leurs fournisseurs, notamment celles applicables à l'ensemble de leur réseau (centrales d’achat, réseau de franchise par exemple).
Sans prévaloir sur les conditions de vente du fournisseur ni devoir être obligatoirement communiquées aux autres entreprises en général, les CGA ont valeur informative. On les retrouve souvent au dos du bon de commande envoyé au fournisseur.
Attention, il ne saurait exister de conditions "générales" d'achat qui dérogent automatiquement et systématiquement aux CGV des vendeurs, dans la mesure où en les acceptant, le vendeur risquerait de faire de la discrimination en accordant un avantage sans contrepartie.
De la même façon l'acheteur pourrait être poursuivi pour avoir sollicité un tel avantage (cf Art. L442-6 du Code de commerce).
La cour d'appel de Paris (Paris, 18 déc. 2013, RG no 12/01150, SA GALEC c/ Ministère de l'Économie), approuvée par la Cour de cassation (Com. 27 mai 2015, no 14-11.387 ), a par exemple considéré que « l'intangibilité des Conditions Générales d'Achats, leur systématisation excluant toute négociation véritable, outre l'inversement de la situation de négociation voulue par le législateur dans l'article L. 441-6 du code de commerce établissent un déséquilibre significatif dans les obligations des parties, au détriment du fournisseur». La Commission d'examen des pratiques commerciales estime, par ailleurs, que dénoncer les CGV du fournisseur avant même que s'engagent les négociations n'est pas conforme à l'esprit de la loi (Avis CEPC no 08-06 du 19 déc. 2008).
De même, les clauses de CGA qui énoncent expressément qu'elles sont réputées acceptées à la réception de l'accusé de réception ou, en l'absence d'accusé de réception, que tout début d'exécution de la commande vaudra acceptation des CGA et renonciation du fournisseur à invoquer ses propres conditions, sont à manier avec précaution.
En fait, au travers de la communication de CGA avant la conclusion d’un accord, l’acheteur est en mesure d’entrer dans une négociation commerciale avec les Conditions Générales de Ventes du vendeur.
Comment faire face aux conditions générales de ventes du vendeur
Cela n’induit pas cependant que les Conditions générales d'achats ne servent à rien : s’il y a eu signature de la part du vendeur, ou validation, ou encore exécution de la commande, cela signifie qu’il adhère aux conditions de l’acheteur, et cela sous-entend qu’il en avait la connaissance, à condition que parallèlement, le vendeur n’ait pas envoyé ses propres CGV (qui comporteraient elles-mêmes une clause prévoyant expressément leur validité et acceptation du fait de la passation de la commande. C’est le fameux : «le fait de passer une commande au fournisseur vaut acceptation des CGV.»).
Pour être applicables, les Conditions Générales d'Achat doivent avoir été contractualisées sans ambiguïté.
Une difficulté fréquemment rencontrée apparaît lorsque des CGV et des CGA sont concomitamment applicables à une situation et prévoient des obligations contradictoires.
Il en est ainsi par exemple, quand le devis du vendeur comporte au dos ses Conditions Générales de Ventes, tandis qu'au verso du bon de commande de l'acheteur figurent ses Conditions Générales d'Achats. Celles-ce précisant comme évoqué ci-dessus que les CGA prévalent sur le CGV quand le vendeur a signé et adressé un accusé de réception de commande.
Dans ce cas, la loi exige de s'en remettre à l'interprétation par les tribunaux, la validité des clauses et la volonté des parties. En fonction des situations, les CGG ou les Conditions Générales d'Achats pourront être privilégiées.
Conseil N°1 pour vos CGA
Faites signer vos conditions générales d'achats à vos fournisseurs en préambule de toute relation commerciale.
Pour faire prévaloir les CGA sur les CGV, ou à tout le moins les faire entrer dans le champ de la négociation, il faudra tout d'abord s'intéresser à la validité de l'acceptation de celles-ci par la partie cocontractante. Cela implique une communication des conditions générales d'achat avant la conclusion du contrat, la connaissance de ces dernières étant nécessaires à leur acceptation.
À défaut, lorsqu'une valeur identique peut être donnée aux CGV et CGA, il conviendra de s'intéresser à l'intention des parties : rédaction précise des clauses, comportement, manifestation de volontés, comme en témoignent les articles 1188 à 1192 du code civil.
Conseil N°2 pour vos CGA
Pour éviter d'avoir à s'en remettre au juge, signez avec votre fournisseur un contrat qui prévaut sur les CGA et les CGV.
Il est recommandé de résoudre la contradiction entre les CGV et les CGA par la négociation et la rédaction de clauses spécifiques, qui seront formalisées comme conditions particulières dérogatoires dans un contrat. Celui-ci précisant que ses clauses écartent les clauses contradictoires des CGV et CGA précisément listées, lesdites CGV et CGA étant annexées au contrat.
Conseil N°3 pour vos CGA
Faites-vous accompagner par un spécialiste.
La difficile articulation des CGV et des CGA rend nécessaire en amont de porter une importance particulière à la rédaction de vos conditions générales de vente et d'achat et de vous adjoindre l'assistance et le conseil d'un professionnel afin de mener à bien les négociations commerciales.
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Cet article a été rédigée par Fabienne HAVET, avocate au Barreau de Paris et Médiateur : https://www.havetavocat.fr
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